L’Algérie fêtera cette année le 60ème anniversaire de son indépendance.

En France, les questions dites « mémorielles », que ce soixantième anniversaire sème dans son sillage, restent essentielles et laissent une empreinte persistante, sinon indélébile, dans les consciences avec une quête de vérité et de justice plus que jamais d’actualité.
Il a fallu longtemps pour que la France qualifie ce qu’elle avait relégué à de simples « événements d’Algérie », de « guerre » véritable, avec son lot d’atrocités et de déchirures.

La fin de cette guerre a marqué le terme d’un cycle historique barbare et raciste, celui du colonialisme et de ses abominations. Le code de l’indigénat en est une illustration en ayant organisé l’assujettissement des autochtones à des mesures répressives clairement discriminatoires : travaux forcés, interdiction de circuler la nuit ou de quitter sa commune sans permission, prohibition de tenir des propos offensants envers les autorités coloniales... Les indigènes étaient donc légalement infériorisés en ayant un statut distinct des colons. Ce racisme d’Etat se situait évidemment aux antipodes des valeurs d’humanité et de justice.
En une dizaine d’année, après la guerre d’Indochine et les indépendances africaines de 1960, la France devait cesser d’être un empire mondial. A l’instant même où ce conflit se déroulait, le MRAP avait su dénoncer le principe même du colonialisme et le régime odieux et arbitraire auquel il avait laissé libre cours et d’une guerre absurde pour le prolonger, ainsi que les crimes de l’armée française sur place, la torture, les viols et les massacres. Comme une partie de la population française, ses militants s’étaient engagés dans la défense de la liberté du peuple algérien et de son droit à l’autodétermination.

Soixante ans après, cette histoire continue à interroger la société française. Rien d’étonnant lorsque l’on sait qu’elle comprend en son sein, des acteurs immédiats de cette guerre ou leurs descendants. Ce sont ainsi des centaines de milliers de personnes qui, dans le contingent, ont passé une partie de leur jeunesse dans des combats traumatisants. Il s’agit des Algériens qui ont combattu là-bas, dans les rangs du FLN, pour faire prévaloir le droit à disposer d’eux-mêmes avec, ici, des manifestants pacifistes pour l’indépendance qui ont fait l’objet d’une répression sanglante. Le 17 octobre 1961 est devenu le symbole de la « terreur d’Etat » qui s’est abattue sur les Algériens, selon les mots de l’historien Fabrice Riceputi, auteur de Ici on noya les Algériens. Il s’agit aussi de ceux, « les Harkis », qui se sont trouvés engagés au côté du Gouvernement français, injustement traités, parqués dans des camps, et dont le sort marqué par une ingratitude certaine, n’a guère été à la hauteur du rôle qui leur a été dévolu ou bien encore, de ceux, qui ont dû quitter un pays qu’ils considéraient comme le leur depuis des générations, avec des attaches économiques, sociales et affectives...
Plus que sur tout autre sujet, il faut donner aux historiens les moyens d’écrire ces pages de l’histoire de France, en dépit de leur caractère incontestablement sombre, ouvrir les archives et laisser les historiens travailler librement afin qu’ils restituent aux faits leur exacte gravité. Le MRAP n’a eu de cesse de dénoncer le régime colonial et ses atrocités. Il a très tôt souligné la nécessité de promouvoir le concept de mémoire partagée, qui s’inscrit dans une perspective de vérité et de justice. Cet épisode de l’histoire implique évidemment la France mais également l’Algérie. Des universitaires tels que Benjamin Stora, semblent penser que c’est dans cette démarche tournée vers l’avenir, avec le devoir de ne pas dénaturer le passé, qu’il faut gérer les séquelles de ces 132 années de colonisation. Et c’est à notre sens la meilleure voie pour offrir en partage notre mémoire.
Le MRAP se saisira de cette année pour commémorer, nationalement et localement, ce soixantième anniversaire.