Nahel abattu par un policier à Nanterre : « Combien d’autres morts faudra-t-il avant que les pouvoirs publics cessent la politique de l’autruche ? »

Ce 27 juin à Nanterre, Nahel, 17 ans, a été abattu par un policier à la suite d’un refus d’obtempérer dont la réalité reste d’ailleurs à établir.

Et quand bien même ? Dans le code pénal, la sanction maximale pour l’auteur d’un tel délit n’est pas la peine de mort. Elle est de 2 ans de prison et de 15.000 euros d’amende.

La vidéo du moment tragique a créé une émotion considérable et a sans doute contribué à l’expression, par les pouvoirs publics, de la nécessité que la lumière soit faite et que la justice soit dite.

Si la procédure ouverte par la justice établit la culpabilité du ou des policiers, nous espérons qu’une peine exemplaire sera prononcée à l’encontre de l’auteur du coup de feu mortel mais également de son collègue dont le retentissant et glaçant « Shoote-le ! » sera peut-être les dernières paroles que Nahel aura entendues.

Chaque drame doit être traité par la justice et nous témoignons à la famille de Nahel notre soutien plein et entier dans l’épreuve que constituera un parcours judiciaire nécessairement long et pénible.

Ce parcours sera d’autant plus long et pénible qu’il se fera dans une ambiance de haine raciste qui s’est instantanément manifestée à l’annonce de la mort de Nahel. Car, réalité funeste qui se déploie notamment sur les réseaux sociaux, il se trouve des personnes pour danser avec jubilation sur le cadavre d’une victime réputée avoir mérité sa mort.

Ce climat, nous le dénonçons. En se réfugiant derrière la condamnation de conduites délictuelles et en surfant sur la banalisation d‘un discours anti-immigrés porté par de trop nombreux responsables politiques, médias et intellectuels, des citoyennes et des citoyens s’abandonnent à une haine dont ils deviennent les zélés propagateurs.

Nous refusons que l’expression de cette haine éteigne nos voix et nos exigences.

Car, au-delà de la mort tragique de Nahel, c’est le fonctionnement de la police nationale – fruit des choix politiques – que nous voulons interroger. La mort de Nahel n’est pas un cas isolé. Elle est – une nouvelle fois, une fois de trop – la mort d’un jeune de quartier populaire issu de l’immigration maghrébine ou subsaharienne. Combien d’autres morts faudra-t-il avant que les pouvoirs publics cessent la politique de l’autruche face à la multiplication de ces drames ?

C’est pourquoi, et parce que nous sommes attachés à ce que les forces de l’ordre soient pleinement républicaines, nous demandons aux pouvoirs publics de ne pas se contenter de gérer l’émotion du moment. Nous leur demandons de ne pas simplement chercher tous les éléments de langage pour éviter la propagation de la colère – cette mauvaise conseillère – et d’une violence évidemment à proscrire. Nous leur demandons de ne pas rabattre ce nouveau drame vers le récit d’un cas tragique mais isolé.

Parce que nous sommes attachés à ce que les forces de l’ordre soient exemplaires et que Nahel ne soit pas un prénom sur une liste appelée à s’allonger, nous demandons :

la refonte des dispositions de la loi de février 2017 relative à la sécurité publique qui, à tort ou à raison, a été interprétée par les policiers comme un assouplissement des règles encadrant le recours à leurs armes. Depuis, le recours injustifié aux armes à feu en direction de véhicules en mouvement s’est sensiblement accru.

l’ouverture d’une réflexion sur la prévention du racisme au sein de la police. A rebours de la minimisation des manifestations de ce fléau au sein d’un corps d’État qui devrait en être exempt, les pouvoirs publics ont la responsabilité de lutter contre les imaginaires ethnicisés d’un trop grand nombre de membres des forces de l’ordre.

la révision de la philosophie du maintien de l’ordre, aujourd’hui souvent axée sur la confrontation.

Ces exigences sont celles que nous aurions à l’endroit de n’importe quel corps de fonctionnaires. Il est grand temps de les exprimer pleinement, fermement et calmement à l’endroit de l’institution policière. Et il est grand temps que les pouvoirs publics les entendent car ce sont les exigences de la République.

Premiers signataires :

Dominique SOPO – Président de SOS Racisme

Linda AMIRI – Maître de conférences en Histoire contemporaine

Christopher ARMSTRONG – Président de la LDH de Nanterre

Nicolas BANCEL – Historien, professeur à l’Université de Lausanne

Patrick BAUDOUIN – Président de la Ligue des droits de l’Homme

Bahya BENHAMID – Présidente de l’association Karavan, Toulouse.

Magalie BESSONE – Professeure de philosophie

Sophie BINET – Secrétaire générale de la CGT

Joëlle BORDET – Chercheuse psychosociologue

Rachid BOUCHAREB – Réalisateur

Raphaëlle BRANCHE – Historienne

Julia CAGE – Professeure d’économie à Sciences Po Paris

Thomas CAI – Président de l’Association des Jeunes Chinois de France

Julian-Nicolas CALFUQUIR – Référent nationale Réseau Jeunes Parti de Gauche

Lucas CHANCEL – Professeur à Sciences Po

Catherine COQUERY-VIDROVITCH – Professeure émérite d’histoire africaine université Paris Diderot

Dominique COUBES – Auteur et metteur en scène

Laure DAUSSY – Journaliste

Guislaine DAVID – Co-secrétaire générale et porte-parole du SNUIPP-FSU

Mamadou DIALLO – Co-fondateur de l’association ZY’VA

Karima DIRECHE – Directrice de recherche au CNRS

Toumi DJAIDJA – Symbole et initiateur de la marche pour l’Égalité et contre le racisme de 1983

Farid EL YAMNI – Comité justice et vérité pour Wissam

Romuald FONKOUA – Professeur de littérature, Sorbonne Université

Stéphane François – HDR en science politique, professeur de science politique, université de Mons (Belgique), membre du GSRL (EPHE)

Kaltoum GACHI – Co-présidente du MRAP – Avocate

Sigrid Gérardin – Co-secrétaire générale du SNUEP-FSU

Michaël GHNASSIA – Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation

Emmanuel GORDIEN – Président de CM98

Hassan GUENFICI – Président de l’espace franco-algérien PACA

Jonathan HAYOUN – Réalisateur

Lucien JEAN-BAPTISTE – Cinéaste

Jok’Air – Musicien

M’hamed KAKI – Fondateur de la compagnie les Oranges , Comédien, auteur « 17 octobre 1961, je me souviens … »

Mathieu KASSOVITZ – Cinéaste

Mohamed KENDRICHE – Sociologue

Nacer KETTANE – Fondateur et président de Beur FM

Patrick KLUGMAN – Avocat au barreau de Paris

Yannick L’HORTY – Universitaire

Smaïn LAACHER – Sociologue

Mehdi LALLAOUI – Président de Au nom de la mémoire

Hervé LE BRAS – Démographe, directeur d’études à l’EHESS

Jean-Loïc LE QUELLEC – Anthropologue, directeur de recherche émérite au CNRS

Nicolas LEBOURG – Historien

Sébastien LEDOUX – Historien

Samuel LEJOYEUX – Président de l’Union des étudiants juifs de France

Marylise LEON – Secrétaire générale de la CFDT

Eléonore LUHAKA – Sœur de Théo Luhaka, Actrice sociale dans le domaine de l’insertion

Jacky MAMOU – Ancien président de Médecins du Monde

Gilles MANCERON – Historien

Etienne MATIGNON – Président de la FAGE

Frédérique MATONTI – Professeure d’Université – Paris 1

Paul-Max MORIN – Politiste

Janine MOSSUZ-LAVAU – Politiste

Yannick NOAH – Musicien, ancien international de tennis

Saphia AÏT-OUARABI – Vice-présidente de SOS Racisme

Imane OUELHADJ – Présidente de l’UNEF

Janie PELABAY – Enseignante-chercheure en science politique.

Thomas PIKETTY – Directeur d’études à l’EHESS

Jacques PRADEL – Président de l’Association des Pieds-Noirs Progressistes et leurs Amis

Christelle RABIER – Ehess, présidente de l’Observatoire des libertés académiques et du droit d’étudier (OLADE)

Emma RAFOWICZ – Présidente des jeunes socialistes

Malika RAHAL – Historienne

Firmine RICHARD – Comédienne

Anne ROGER – Secrétaire générale du SNESUP

Serge ROMANA – Professeur de médecine, fondateur de CM98

Rost – Artiste et fondateur de Banlieues Actives

Alain RUSCIO – Historien

Eléonore SCHMITT – Porte parole de l’Union Etudiante

Réjane SENAC – Politiste, directrice de recherche CNRS, Sciences Po

Nina SERON – Référente nationale Réseau Jeunes Parti de Gauche

Todd SHEPARD – Historien

Yves SINTOMER – Professeur de science politique, université de Paris 8/Nuffield College, Oxford

Eric SIRVIN – Président de la 4ACG, ancien appelé en Algérie

Leïla SLIMANI – Ecrivaine

Smaïn – Comédien

Mario STASI – Président de la LICRA

Benjamin STORA – Historien

Dany TERBECHE – Cousin de Malik Oussekine

Ivan TEREL – Avocat

Benoît TESTE – Secrétaire général de la FSU

Sylvie Thénault – Historienne

Gwen THOMAS-ALVES – Président de la FIDL, le syndicat lycéen

Ara TORANIAN – Président du conseil de coordination des organisations arméniennes de France

Guillaume TRAYNARD – Avocat au barreau de Paris

Dominique TRICAUD – Avocat et ancien membre du conseil de l’Ordre de Paris

Sophie VENETITAY – Secrétaire générale du SNES

Cédric VILLANI – Mathématicien, Président de AJMA (Association Josette et Maurice Audin)

Michel WIEVIORKA – Sociologue

Michel ZECLER – Producteur de musique